Petit texte inspiré d’une randonnée qui longe l’Aiguebrun, dans le Lubéron.
En écrivant ce texte, je me suis relié à l’ondine (l’esprit de l’eau) et je me suis sentie portée, fascinée par cet élément qu’est l’eau.
J’espère que vous recevrez les bonnes ondes de cette rivière et que vous serez touché.e.s comme moi par sa sagesse.
Après une journée de marche sur les hauteurs du Lubéron, je quitte les champs de lavande pour m’engouffrer dans une forêt très dense. Je suis ici et ailleurs, en pleine rêveries, lorsque mon regard se pose sur une petite vasque formée par l’Aiguebrun.
Tous mes sens sont captivés par la magie qui se dégage de ce lieu. Son sol accidenté par les racines de pins. L’eau vive, joyeuse et profondément vivante dont le froid mord déjà mes pieds. De part et d’autre de l’aiguebrun, des ronces et quelques vieilles branches envahies par une mousse d’un vert éclatant.
Comme l’impression d’avoir interrompu une scène du quotidien, chacune de ces brindilles a l’air d’avoir été figée en pleine conversation. J’ai la sensation qu’à mon départ, le cours de leur vie va reprendre. Le chant des oiseaux, joueurs, les tétards qui s’agitent à mes pieds n’ont pas l’air d’être dérangés par ma présence. Les roches qui font obstacle au cours de l’eau semblent l’inviter à ralentir avant de se jeter plus vivement encore dans la vasque suivante, afin d’y rencontrer tous les vivants qui l’habite.
Alors soudainement, je me demande ce que c’est d’être “eau”. Voilà les quelques bribes de mots que je crois entendre en réponse à ma question… ou peut-être est-ce mon imagination.
“Je suis une particule d’eau, je suis infiniment petite et infiniment grande. Plus petite qu’une goutte d’eau et plus grande qu’une rivière car je suis connectée à chacune de mes soeurs. Je porte ma propre mémoire, ma propre histoire mais je ne suis pas étrangère à ce qu’on traversé les autres. Nous communiquons entre nous, notre mémoire individuelle devient instantanément collective dès lors que nous sommes en contact. Je suis une particule, une goutte, une rivière et je suis l’élément eau.
Je porte en moi cette force, cette évidence intrinsèque de la pérennité de mon existence. Je suis ici depuis des millénaires. Je ne me sens ni triste, ni joyeuse. Je ne fais qu’héberger ces émotions avec lesquelles je suis en contact.
Avec moi, tout est impermanent. Je suis en paix avec le cycle mort – renaissance.
Lorsque je suis fiévreuse, je m’évapore et j’explore une forme d’unité. J’observe la grande bleue depuis le nuage que je forme avec d’autres comparses dont je fais alors la rencontre. Lorsque j’ai suffisamment conversé avec l’air, je redescends m’incarner sur terre.
Certaines fois, j’atterris au sommet d’une montagne sous forme de cristal d’eau et je ressens l’unité du manteau neigeux que nous constituons avec mes soeurs. D’autres fois, je me sens envahis dès mon arrivée sur Terre par des produits que je ne connais pas, avec lesquels je ne parviens pas à converser. J’ai l’impression qu’ils ne font pas partie du vivant et pourtant je ressens rapidement leurs effets sur moi, sur ma structure.
Aujourd’hui je suis ici, reliée à l’ondine de l’aiguebrun et tout le vivant qui l’habite. Je me sens pétillante, joyeuse, unie à chacune de mes sœurs.”